En ces temps de fêtes des monstres, des esprits et des défunts, rien de tel qu'un livre bien sombre pour entretenir l'atmosphère... Si l'auteur m'avait particulièrement charmé avec ses réécritures de contes, j'avais plus d'inquiétudes à la découvrir dans un autre genre, le fantastique - horreur. Pari risqué, surtout en reprenant le poncif de Jack l'éventreur...
Et l'auteur m'a une fois de plus impressionné. Plutôt que d'écrire un énième volume sur le tueur de prostituées, Sarah Pinborough s'est plongée dans l'époque, la galerie de personnages du lieu, en y ajoutant d'autres éléments (récits folkloriques, l'influence subtile de de Conan Doyle, les pogroms en Europe de l'Est,..) pour créer quelque chose d'original, de furieusement angoissant et de dramatiquement impossible à poser.
Pour être plus précis, Pinborough a fait au roman gothique (Dracula,...) ce qu'elle avait fait aux contes : elle y plonge, les actualise et y travaille à coups de scalpel leur psychologie, sans sombrer dans un inventaire émotionnel exagéré. Tout est juste, tout est propice à plonger dans l'ambiance, tout est angoissant.
Chapeau bas, donc, car l'exercice était difficile et que je me serai contenté d'une performance moyenne au vu du risque. Le roman gothique, si désuet mais si agréable à mes yeux, reprend ici vie et couleur, tout en gardant un travail d'ambiance et un vocabulaire oppressant qui en ont fait le succès. A lire au coin du feu, quand le vent souffle dehors...
Où le lecteur dévoile ses chroniques sur ses explorations dans les royaumes de l'imaginaire et de la romance...
jeudi 30 octobre 2014
Bird Box, de Josh Malerman
Ma critique de ce livre est l'occasion pour moi de me poser quelques questions sur le fait de donner son avis sur un livre, ainsi que sur l'étendue et la diversité de la littérature en général. Commençons par mon avis et ensuite je bavarderai allègrement sur le reste.
Soyons clairs, je n'ai pas vraiment apprécié Bird Box. Les motifs du récit sont intéressants mais pour moi il y a un manque d'alchimie, un défaut de liaisons entre les différents éléments qui m'empêche de m'immerger dans l'histoire et d'en tirer un sens. Je trouve aussi le récit trop épisodique, trop découpé et fragmentaire, avec des intrigues secondaires lancées comme des bouteilles à la mer mais jamais ouvertes. Il y aurait tant eu à raconter, tant de détails à explorer, mais l'auteur est resté à la surface.
C'est clairement un choix de l'auteur, une manière pour nous, comme pour le personnage principal, d'avoir les yeux fermés. Il n'y a pas ici de maladresse, plutôt une volonté de cacher des choses au lecteur, jusqu'au bout et sans résolution possible. Même si je refuse l'idée que tout doit être expliqué dans un livre, une telle privation est trop forte pour moi. Bref, je n'ai pas aimé. Dommage...
Je dis dommage car les critiques positives pleuvent sur ce titre, notamment dans la blogosophère. Alors, ai-je raté quelque chose, suis-je un vieux geignard, suis-je trop difficile ? Oui et non. C'est tout l'intérêt de la littérature : l'humanité aime des choses aussi diverses qu'il y a d'individus et la manière dont nous apprécions une bonne histoire diffère d'un lecteur à l'autre. Même si je n'ai pas aimé, je n'hésiterais pas à le conseiller à quelqu'un qui ne souffrirait pas des mêmes prérequis que moi. Si nous aimions tous les mêmes livres, il n'y aurait guère de titres sortis en librairie. Et quand un titre devient un best-seller, il ne fait pas couler les autres, bien au contraire, il permet aux éditeurs d'en pousser d'autres qui n'auraient pas vu le jour par manque de fonds. Même si parfois j'ai du mal à comprendre comment certains livres ont du succès, ce n'est pas une raison pour déprécier ces titres ou leurs lecteurs. Une leçon qu'il est parfois bien nécessaire de se rappeler (à moi notamment)... sur ce, bonne lecture... Mais pour mon moment frisson, j'irai plutôt lire Whitechapel, chez Bragelonne.
samedi 11 octobre 2014
La splendeur de Cavendon Hall, de Barbara Taylor Bradford
Si on peut accuser l'éditeur (les Presses de la Cité) d'avoir profité du succès de la série "Downton Abbey", on ne pourra certainement pas les remercier de nous avoir donné quelque chose pour nous occuper en attendant la prochaine saison.
En effet, ce roman légèrement historique est certainement pour un des plus mauvais que j'aie jamais lu. A chaque page, mon cœur saignait de douleur en voyant à quel point toute possibilité d'amélioration du récit était systématiquement détruire pat l'auteur. Si on reproche souvent à G.R.R. Martin d'être cruel avec ses lecteurs, il est ici relégué au rang de petit chaton mignon par Bradford, qui devrait être poursuivie pour cruauté intellectuelle.
Je m'explique, et j'ajoute que cette explication peut servir de justification pour lire cet ouvrage. En effet, je le conseille à tout apprenti-écrivain qui veut étudier l'art de l'intrigue et de la structure. Bradford démontre ainsi son talent indéniable pour annihiler tout espoir de suspense. Cela n'arrive pas qu'une fois, mais à chaque page. Dès qu'un imprévu intéressant apparaît au fil du récit, elle l'écrase comme un vilain cafard à la page suivante, afin de mieux retomber dans une mièvrerie digne du pays des Bisounours. Et pourtant, c'est qu'elle en a des idées ! Mais je ne peux douter que cette éradication de bébés-intrigues, secondaires ou non, soit volontaire, au vu de l'ampleur du massacre.
En l'absence de toute intrigue, le livre en devient une mielleuse peinture du monde de l'aristocratie anglaise, peu inspirée et peu documentée. On s'y ennuie à mourir, quand on ne voue pas l'auteur aux gémonies pour ce désastre littéraire. Beurk !
En effet, ce roman légèrement historique est certainement pour un des plus mauvais que j'aie jamais lu. A chaque page, mon cœur saignait de douleur en voyant à quel point toute possibilité d'amélioration du récit était systématiquement détruire pat l'auteur. Si on reproche souvent à G.R.R. Martin d'être cruel avec ses lecteurs, il est ici relégué au rang de petit chaton mignon par Bradford, qui devrait être poursuivie pour cruauté intellectuelle.
Je m'explique, et j'ajoute que cette explication peut servir de justification pour lire cet ouvrage. En effet, je le conseille à tout apprenti-écrivain qui veut étudier l'art de l'intrigue et de la structure. Bradford démontre ainsi son talent indéniable pour annihiler tout espoir de suspense. Cela n'arrive pas qu'une fois, mais à chaque page. Dès qu'un imprévu intéressant apparaît au fil du récit, elle l'écrase comme un vilain cafard à la page suivante, afin de mieux retomber dans une mièvrerie digne du pays des Bisounours. Et pourtant, c'est qu'elle en a des idées ! Mais je ne peux douter que cette éradication de bébés-intrigues, secondaires ou non, soit volontaire, au vu de l'ampleur du massacre.
En l'absence de toute intrigue, le livre en devient une mielleuse peinture du monde de l'aristocratie anglaise, peu inspirée et peu documentée. On s'y ennuie à mourir, quand on ne voue pas l'auteur aux gémonies pour ce désastre littéraire. Beurk !
Le jeu de l'assassin,d'Amy Raby
Il y a des livres qu'on achète tout de suite quand on les découvre. Pas pour les lire tout de suite, non ! On les garde précieusement, comme un bon vin, en faisant monter le désir petit à petit.
Ensuite, quand on a vraiment besoin d'un remontant à réveiller les morts, qu'on a lu des romans médiocres et qu'on a presque perdu la foi en la littérature, on les ressort, la main tremblante, l'oeil brillant de fièvre. Et chaque page est un filet de divin nectar, une part d'ambroisie qui s'insinue dans tout notre corps, faisant exploser notre imaginaire.
Une fois le chef-d'oeuvre fini, il ne reste plus qu'à se coucher, repu, comme un gros chat ronronnant, confiant en l'idée que la vie est merveilleuse et les éditeurs aussi.
Voilà en gros l'effet du "jeu de l'assassin", qui renouvelle agréablement le genre de la fantasy "à capuche". Amy Raby joue admirablement bien avec les classiques du genre : un assassin de première classe, une cible injustement visée, un dilemme moral, des rebondissements et des traîtrises à couper le souffle.
Mais elle apporte un savoir-faire indéniable, notamment pour mélanger les genres. On passe du roman d'aventure à la romance musclée, de splendides pages dignes de Jane Austen à des scènes de stratégie militaire passionnantes, le tout avec un art de la nuance et de la transition qui feront pâlir les grands maîtres.
Pas de doute, Bragelonne a déniché la nouvelle perle, qui ravira les amateurs du genre. Cette série a clairement sa place aux côtés de Kushiel, de l'Epée de vérité ou de la Voie des Ombres.
dimanche 5 octobre 2014
Morwenna, de Jo Walton
Il y a des gens qui ne reculent devant rien pour vous forcer à ouvrir votre champ de lecture à des chefs-d'oeuvre qui vont ont échappé. Ils font le forcing, vous en parlent à tout moment, vous agitent le dit livre sous le nez, ... Ils sont même, selon la rumeur, à deux doigts de débarquer chez vous, en pleine nuit, pour placarder des affiches du livre partout sur votre pelouse.
Mon excellentissime ami Yvan est de ceux-là. Pas question pour lui de laisser dans le pétrin ceux qui font preuve d'une inexcusable pauvreté culturelle, comme ce fût mon cas avant de lire Morwenna. A sa suite, je fais passer le message.
Pour le dire de manière brutale, ce livre est un mariage étrange entre une liste de lecture SFFF et un journal de bord d'étude des fées. Il est d'autant plus séduisant à mes yeux qu'il s'adresse à un lectorat proche de son personnage principal: plus à l'aise dans les livres qu'avec les gens, constatant avec désarroi qu'il semble d'un espèce différente des gens qu'il côtoie, capable de citer un passage d'un livre lu il y a des années et d'en débattre, les larmes aux yeux, jusqu'à ce que son interlocuteur reconnaisse que l'auteur dudit fut divinement inspiré (ou bien qu'il parte, mort de peur).
Morwenna est un hymne d'amour à l'imagination humaine, au "bizarre" qui colore le quotidien de certains d'entre nous. Il se démarque des romans habituels en de nombreux points. Premièrement, un langage parfois ésotérique (le jardon des amateurs de SFFF), jamais expliqué, toujours lancé à la face du lecteur comme un camion dans le brouillard. Ensuite, une intrigue à moitié évoquée, parcellaire et brillamment bancale (oui, je n'aurais jamais cru féliciter un auteur pour sa structure volontairement défaillante). Enfin, des dizaines de déclarations d'amour à des auteurs parfois oubliés, souvent peu connus chez nous, mais qui chez moi évoquent des nuits passées à me délecter, en VO, de travaux de grands maîtres de la plume.
Un livre atypique, donc, dont les défauts font toute la grandeur. S'adressant volontairement à un public limité, il ouvrira pourtant l'horizon imaginaire de ceux qui osent s'y aventurer. En ressortant de ce livre, on n'a qu'une envie : fouiller bibliothèques et bouquineries pour découvrir les pépites merveilleuses que Morwenna nous a fait miroiter...
Tigane, de Guy Gavriel Kay
L'auteur a commencé son parcours professionnel en touchant du doigt le Graal : il a aidé le fils de J.R.R. Tolkien a éditer le Silmarillion. Cette influence "divine" se fait sentir dans la "tapisserie de Fionavar", fort apprécié mais selon moi très surévalué. Tigane sortit quelques années plus tard, une fois que Kay eut acquis un peu de bagage, de réflexion et d'indépendance. Et on peut dire qu'il a vieilli comme le bon vin : en gagnant saveur, bouquet et fragrance. Tigane est comme le pendant mythologique des guerres ayant ensanglanté l'Italie pendant la fin du Moyen Age et la Renaissance. Ajoutez à ce cadre historique chargé d'épopées une pincée de magie, une sensibilité à fleur de peau et une thématique du sacrifice bouleversante et vous obtenez ce chef-d'oeuvre, rien de moins.
Fantasy historique par excellence, Tigane charmera aussi ceux qui aiment les tragédies, les chants de liberté et la triste ironie des destinées gâchées. Prenant, le rythme du récit empêchera tout arrêt accessoire dans la lecture (repas, sommeil, travail, enfants qui pleurent,...), pour mieux vous garder dans cette étrange contrée qui, un jour, perdit son nom et son honneur...
Fantasy historique par excellence, Tigane charmera aussi ceux qui aiment les tragédies, les chants de liberté et la triste ironie des destinées gâchées. Prenant, le rythme du récit empêchera tout arrêt accessoire dans la lecture (repas, sommeil, travail, enfants qui pleurent,...), pour mieux vous garder dans cette étrange contrée qui, un jour, perdit son nom et son honneur...
Aila et la magie des fées, de Catherine Boullery
Babelio nous permet, par l'intermédiaire de ses "masse critique", de découvrir autre chose que ce que nos habitudes de lecture sélectionnent naturellement.
Bien souvent, on se retrouve face à de petites perles, dont nous n'aurions pas soupçonné l'existence et qui entrouvrent pour nous la porte d'autres domaines de littérature. Un exercice d'ouverture d'esprit qui débouche sur des plaisirs inattendus.
Et puis parfois, on tombe sur un livre si mauvais qu'il vous dégoûte de lire pendant des jours... Ce fut le cas avec "Aila et la magie des fées". C'est un véritable catalogue de maladresses et de bourdes d'écriture, un exemple criant d'ouvrage où aucune relecture sérieuse, aucun bêta-lecteur honnête, aucun éditeur professionnel (même bourré), n'a jeté un œil. Les personnages sont d'un ennui mortel, l'univers incohérent et ridicule, l'intrigue plate et convenue...
Pour être honnête, je n'ai pu dépasser les 150 premières pages. Peut-être que l(histoire se métamorphose ensuite, pour devenir un magnifique roman, mais j'en doute... Trop de défauts, absolument rien pour les racheter, ce texte est typiquement un travail bâclé, amateur au pire sens du terme, où rien n'a été révisé ni remis en question.
Le seul intérêt de l'ouvrage ? Cela pourrait servir d'étude de cas pour les écrivains en apprentissage. Chaque passage, chaque chapitre peut être étudié pour voir l'endroit précis où le lecteur ne peut plus continuer tant ses yeux saignent. Un peu à la manière dont on scrute les résultats d'un échec magistral en pâtisserie pour savoir où cela a foiré...
Une petite note pour l'auteur et ceux qui ont les mêmes problèmes : ne renoncez pas à écrire ! C'est un loisir agréable et qui prend aux tripes, on aurait tort de s'en priver. Mais de là à chercher à le publier pour l'infliger au public, il y a un pas à ne pas franchir. Ou alors, on s'entoure de gens sérieux d'abord (bêta-lecteurs, éditeur, critiques honnêtes,...).
Merci quand même à Babelio, j'espère que la prochaine cuvée sera d'un autre tonneau...
Bien souvent, on se retrouve face à de petites perles, dont nous n'aurions pas soupçonné l'existence et qui entrouvrent pour nous la porte d'autres domaines de littérature. Un exercice d'ouverture d'esprit qui débouche sur des plaisirs inattendus.
Et puis parfois, on tombe sur un livre si mauvais qu'il vous dégoûte de lire pendant des jours... Ce fut le cas avec "Aila et la magie des fées". C'est un véritable catalogue de maladresses et de bourdes d'écriture, un exemple criant d'ouvrage où aucune relecture sérieuse, aucun bêta-lecteur honnête, aucun éditeur professionnel (même bourré), n'a jeté un œil. Les personnages sont d'un ennui mortel, l'univers incohérent et ridicule, l'intrigue plate et convenue...
Pour être honnête, je n'ai pu dépasser les 150 premières pages. Peut-être que l(histoire se métamorphose ensuite, pour devenir un magnifique roman, mais j'en doute... Trop de défauts, absolument rien pour les racheter, ce texte est typiquement un travail bâclé, amateur au pire sens du terme, où rien n'a été révisé ni remis en question.
Le seul intérêt de l'ouvrage ? Cela pourrait servir d'étude de cas pour les écrivains en apprentissage. Chaque passage, chaque chapitre peut être étudié pour voir l'endroit précis où le lecteur ne peut plus continuer tant ses yeux saignent. Un peu à la manière dont on scrute les résultats d'un échec magistral en pâtisserie pour savoir où cela a foiré...
Une petite note pour l'auteur et ceux qui ont les mêmes problèmes : ne renoncez pas à écrire ! C'est un loisir agréable et qui prend aux tripes, on aurait tort de s'en priver. Mais de là à chercher à le publier pour l'infliger au public, il y a un pas à ne pas franchir. Ou alors, on s'entoure de gens sérieux d'abord (bêta-lecteurs, éditeur, critiques honnêtes,...).
Merci quand même à Babelio, j'espère que la prochaine cuvée sera d'un autre tonneau...
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