vendredi 28 mars 2014

Le journal de Mr Darcy, d'Amanda Grange

Après avoir savouré le succulent journal du colonel Brandon, me voilà plongé dans une toute autre personnalité, celle de l'arrogant et hautain Mr Darcy. Bizarrement, cette forme d'impolitesse et d'intolérance semble un argument de charme pour la gent féminine (qui restera toujours pour nous, les hommes, un continent mystérieux). Restait à savoir si ce journal tiendrait ses promesses, à savoir : rester cohérent par rapport à l'oeuvre et au personnage original ; apporter suffisamment d’éléments nouveaux, en terme de style et de sentiment, pour être plus qu'un monotone exercice de relecture.
Encore une fois, Amanda Grange montre sa maîtrise du genre en imprimant à son écriture une sensibilité et un affrontement de valeurs qui dépeignent parfaitement son protagoniste. On sent Darcy déchiré entre son éducation conservatrice et aristocratique et ses sentiments si sauvages qu'ils le laissent gravement troublé. Mais, pour respecter le personnage, cela se fait en finesse, en faisant appel à la raison et aux convenances. 
La notion de famille, avec ce qu'elle peut avoir de dégradant ou d'enrichissant pour un amant, est particulièrement bien développée, donnant une dimension nouvelle aux personnages secondaires. Une lecture qui donc ouvrira d'autres horizons pour ceux qui aiment le travail du style, mais également à ceux qui aiment voir un individu troublé par ses passions.

jeudi 27 mars 2014

Nos étoiles contraires, de John Green

Qu'est-ce qui pourrait bien rassembler un hollandais ventripotent, une accro à l'oxygène et un basketteur unijambiste ? Le cancer apparemment, ce tueur insidieux qui se nourrit de nous-mêmes et qui en définitive n'est que la part sombre de notre destinée. 
Comme la plupart des romans que me conseille mon épouse, celui-ci contient plus qu'une petite part de tristesse et de désespoir, mais il contient cependant une lumière, vacillante mais dont la force brise les plus profondes ténèbres.
"Nos étoiles contraires" n'est pas un "hymne à la vie" débilitant et manichéen, il est un jugement sur les valeurs que nous mettons dans nos émotions, qu'elle soient belles et romantiques, ou sombres et morbides. Sans parti pris, avec un humour grinçant et un doigté léger et honnête, John Green fait valser nos certitudes confortables sur la maladie, le deuil et, en définitive, sur la vie elle-même. On pourrait qualifier ce livre du roman du "malgré tout", un chant du cygne du désespoir, malgré la mort, malgré la perte. Difficile d'en ressortir inchangé... Une belle oeuvre, triste et pleine de confiance...

Le journal du colonel Brandon, d'Amanda Grange

Du colonel Brandon, on connaît tout ou presque.Que ce soit par l'oeuvre originale ou par les multiples adaptations de "raison et sentiment", nous sommes tous tombés sous le charme réservé de cet étrange solitaire, dont le cœur n'est qu'un amas d'écorchures.
Pour les audacieux voulant le dévoiler un peu plus, il n'y a que deux solutions : respecter l'oeuvre-mère et sembler être à court de matériel, ou broder des aventures nouvelles, mai qui risquent de dénaturer le personnage initial.
Amanda Grange a fait le pari difficile de ne rien ajouter au destin de James Brandon mais de modeler son style pour en rendre toute la richesse. Elle s'ingénie par une plume retenue et économe à retranscrire les pensées mûries du colonel et des errements de son âme. Nous sommes ainsi plongés, presque goutte à goutte, dans les tréfonds d'un homme tourmenté, au sort dramatique mais dont peu à peu il triomphe, par sa patience et sa gentillesse. 
Le risque était grand de tomber dans un exercice de style verbeux et monotone, mais l'auteur laisse parler son art en adaptant sa  plume à l'esprit du gentilhomme. Un défi relevé avec subtilité et minutie, une splendeur !

lundi 24 mars 2014

Les chroniques des Crépusculaires, de Mathieu Gaborit

Petite replongée dans les classiques de la Fantasy, ceux qui vous marquent pendant des années et dont un seul passage fait resurgir des images merveilleuses qu'on croyait oubliées.
Commençons avec un maître français, au style très personnel, Mathieu Gaborit. Les chroniques d'Agone, cet étrange jeune homme, duelliste et magicien, torturé et sauveur, marquent pour moi une étape dans mon cheminement à travers l'imaginaire et sa construction. En effet, Gaborit s'affranchit des classiques pour mêler poésie, onirisme et romantisme en une sarabande infernale et un monde si neuf qu'il brûle la rétine. 
Gaborit innove en courtisant le lecteur, que ce soit par son étrange magie,  ses fracas d'intrigues ou ses personnages difformes et séduisants. Il renouvelle tout l'art de la création d'un monde en associant fragilité et puissance, délicatesse et souffrance, torture et délivrance. Un maître, un vrai.

jeudi 20 mars 2014

Rage de dents, de Marika Gallman

Une couverture hideuse peut cacher un roman plus  qu'honnête, c'est la leçon à tirer de ma lecture du jour...
De la bit-lit suisse, voilà qui n'est pas commun. Mais Marika Gallman n'a pas à rougir face à l'armada américaine. elle maîtrise bien les motifs du genre et, si elle ne parvient pas à se débarrasser de tous les clichés, ce n'est pas primordial dans ce style particulier.
On adoptera ou on détestera d'emblée l'héroïne au caractère de cochon sauvage, mais force est de constater qu'elle donne un rythme admirable au roman. On se trouve toujours dans l'instantané, la surprise, l'émotionnel. Cela fatigue parfois mais au fur et à mesure de la lecture, les raisons en deviennent de plus en plus claires et le livre gagne en cohérence. Les personnages secondaires sont bien travaillés, avec des aspects creusés de toutes parts. 
L'auteur maîtrise particulièrement le principe de faire souffrir les personnages auxquels le lecteur s'attache. elle parvient à le faire même avec les seconds couteaux, ce qui n'est pas toujours aisé. 
Ilreste à mon sens des pistes sous-exploitées dans les thèmes de l'ouvrage, qui à mon sens le rendent trop léger, mais je parierai que cela s'arrange dans les tomes suivants... 
Bref, à conseiller ! 

mercredi 19 mars 2014

Les mains de Dieu, de Ludovic Rosmorduc

Afin d'être correct avant de dévoiler mon avis sur ce livre, que les choses soient établies : je n'ai pu continuer après les 200 premières pages. Le début était passablement attirant, mais l'intrigue se dégrade tellement par la suite que je n'avais plus l'envie de m'infliger le reste... Lâcheté ou prise de conscience ?

L'auteur, historien amateur (il en faut, je voudrais pas avoir l'esprit de chapelle pour autant), utilise le merveilleux passé de sa région, mais malheureusement on a plutôt l'impression d'un enfant barbouillant avec des peintures à doigt : les couleurs sont jolies, mais on ne peut qualifier cela de chef-d'oeuvre. Le manque de critique et de discernement dans l'aspect historique de son livre m'ont fortement gêné. Mais le plus dommageable est l'intrigue, faible et téléphonée, à peine digne d'une mauvaise copie d'un Dan Brown, avec des rebondissements flasques, des deus ex machina risibles,...
Les rares éléments un peu plus profonds sont malheureusement sous-exploités, mais prouvent qu'avec de meilleurs conseils et une ouverture à d'autres genres, l'auteur aurait pu accoucher de quelque chose de meilleur qu'un pâle da vinci code carcassonnais.
Me suis-je montré trop dur ? Sans doute... Peut-être le genre historique, qui me passionnait tant adolescent, est-il trop (injustement) vulnérable à ma critique après des années d'étude du domaine... Néanmoins, ce livre n'a fait naître en moi que de l'ennui... Je suppose que d'autres le trouveront passionnant et je leur souhaite une excellente lecture. N'est-ce pas le but recherché ?

mardi 18 mars 2014

L'empreinte du démon, de Patricia Briggs

Pour comprendre les qualités de ce livre, il est nécessaire de faire un brin d'historique. Avant de devenir mondialement célèbre avec sa série Mercy Thompson (dont le premier cycle est pour moi un coup de cœur) et d'être reconnue comme une reine de l'urban fantasy, Patricia Briggs avait déjà écrit de nombreux livres de Fantasy. Parmi eux, son chef-d'oeuvre à mes yeux, Corbeau (qui est le sien aussi, elle me l'a confié), mais aussi son premier livre, Masques, dans l'univers des Sianim.
Soyons clairs, je n'aime pas Masques, ni sa suite. Le roman dont il est ici question se déroule dans le même univers, que je trouve vide et peu original. Vous me direz que je partais déjà perdant et que je n'aurais que ce que j'avais mérité en me plaignant une fois arrivé au bout...

Mais ce troisième livre de Briggs est, semble-t-il, celui qui a fait le  déclic entre une écrivaine débutante et une artiste stylée et douée... Tous les ingrédients qui font d'elle, à mes yeux, une auteur d'exception, sont enfin présents : le travail des liens entre les personnages, la force des  liens familiaux, les notions d'apparence trompeuse et de charme mystérieux, la profondeur de l'historique des héros et un casting redoutable de seconds couteaux multidimensionnels. Rien que pour assister à cette naissance d'une artiste, cela valait la peine de risquer une mauvaise lecture. Je ne suis pas déçu, loin de là. Et j'ai une furieuse envie de relire Corbeau, pour y  retrouver avec délices les souvenirs gourmands de ma première découverte... Chapeau !

lundi 17 mars 2014

Les domestiques, de Michael Marshall Smith

Il m'est arrivé lors de la lecture de ce court roman une bien étrange aventure qu'il me semble intéressant de narrer. Je l'avais repéré lors de sa sortie, il y a déjà quelques temps. Pour une raison inconnue de ma part, je n'ai pas relu son quatrième de couverture lorsque j'en ai finalement entrepris la lecture. Au départ de la couverture, qui me faisait penser aux films de fantômes les autres, j'ai cru avoir en main un livre d'horreur, ou à tout le moins d'épouvante.
Ça tombait bien, depuis ma  relecture de l'intégrale de Lovecraft l'année passée, je n'avais plus abordé ce genre. Mais je dus déchanter : j'étais arrivé à plus de la moitié du roman que les rares événements fantastiques n'avaient encore éveillé en moi qu'un vague sentiment de frisson et de malaise, rien de plus.
Je n'arrivais donc pas du tout à comprendre l'intérêt de cet ouvrage quand j'eus la bonne idée d'enfin en relire ce résumé : il s'agissait d'une fable fantastique ! Immédiatement, de nombreux éléments firent sens. Le rythme lent, presque hypnotique dans sa torpeur, était en fait une poésie sur la vie quotidienne. Les fantômes peu actifs étaient en fait une  splendide métaphore sociale et analogique. Ce qui paraissait raté et soporifique était en fait un récit subtil et délicat, et j'en avais omis  toutes les qualités.
Je ne dirais pas pour autant qu'il s'agit d'un chef-d'oeuvre, mais il s'agit d'une oeuvre remarquable, progressant par touches à la façon d'un Stephen King mais sans ses longueurs, dépeignant un drame familial par non-dits, sans tomber dans le macabre ni le glauque, mais en travaillant sur les sentiments et les comparaisons comme la vie aime parfois en faire, bien souvent pour une plus grande souffrance.

Ainsi donc, la façon dont on caractérise un livre et comment on le classe mentalement peuvent interférer sur la manière dont on le lit et l'apprécie... Résumé, avis, couvertures semblent  nous guider dans les cases de notre esprit analytique, parfois au détriment de notre plaisir... Étonnant, non ?

dimanche 16 mars 2014

Charlotte Collins, de Jennifer Becton

Dans sa collection Romance, Milady publie toute une série de romans régence sur l'univers de Jane Austen. Certains sont très réussis, d'autres moins,selon l'auteur et le personnage de base. Je me suis attaqué à celui sur Charlotte Collins, la meilleure amie d'Elizabeth Bennet, qui épousa l'ennuyeux pasteur Collins.
Dans Orgueil et préjugés, Charlotte n'est qu'une simple vignette, visant à illustrer la condition des femmes de bonne famille mais n'ayant pas de fortune et n'ayant donc guère de choix :  rester vieilles filles ou se marier à qui veut bien d'elles.
N'ayant pas eu de grand amour providentiel mais ne voulant pas être une charge pour ses parents, Charlotte fait le second choix et s'enchaîne à un barbant personnage pour survivre.
Jennifer Becton prend donc un parti difficile, celui de choisir un personnage terne et gris, alors quand dans la galaxie austenienne, il y a avait des choix plus motivants. C'est un peu ce qui m'a attiré vers cet ouvrage : le défi lancé à elle-même par l'auteur.
L'intrigue est de bonne facture, la romance posée et séquentielle, même si le style n'est, à mon sens, pas à la hauteur d'une roman régence. Néanmoins, la tranquillité émanant du rythme lent et calme permet de se fondre dans le personnage et l'univers de façon convaincante. On pourrait y trouver une espèce d'étrange d'ennui, mais voulu, mesuré et apportant une touche de confort, comme un thé  chaud quand il pleut dehors. L'effet est un peu déroutant, voire décourageant, au début, mais il colle parfaitement à l'héroïne, si prisonnière des conventions de son époque.
Lecture à recommander, donc, changeant des romans régence habituels, de par son héroïne gris terne, qui accentue à mon sens un réalisme parfois trop léger du genre.

La diseuse d'ombres, de Sandy Williams



J'ai récemment décidé de me replonger dans les séries bit-lit des éditions Milady et voici mon premier choix : le premier tome de la série Sidhe : La diseuse d'ombres, de Sandy Williams.
Vous aimerez sans doute cette série si vous êtes fan de Mercy Thompson, des Chroniques de MacKayla Lane, ou d'autres séries de bit-lit. Le style est très imprégné des impératifs habituels de la paranormal romance, à savoir une héroïne ayant un pouvoir étrange et courtisée par deux séduisants personnages, chacun ayant son style et une affiliation totalement opposée à son rival.


Ce qui m'a plu :

- l'héroïne est d'un caractère assez impétueux, mais aussi pleine d'irrésolution quand à son existence. Ce balancement est assez réussi et permet au rythme de l'intrigue de  progresser sans temps mort, tout en enrichissant la romance au cœur de l'histoire.
- la rivalité politique entre les deux "charmeurs" paraît assez manichéenne au départ, mais se complexifie sans pour autant tomber dans les lourdeurs caractéristiques de la Fantasy classique. On reste dans une lecture légère,rapide, qui n'apporte pas plus u'elle ne promet, mais ne déçoit pas.
- pas trop de scènes explicites, ce qui habituellement est un défaut majeur du genre quand elles sont mises n'importe où, juste pour réveiller l'attention mais sans respecter le sens de l'histoire.


Ce qui m'a déplu :

- les Fae de l'histoire ne sont guère différents des humains, en-dehors de leur côté conservateur et de leurs pouvoir magiques limités. On croirait être face à des humains d'une autre dimension. Ce n'est pas forcément un mal, mais enlève une touche de glamour au terme Fae.
- Paradoxalement, ce sont les humains de l'histoire qui semblent les plus unidimensionnels, notamment les miliciens. Mais bon, je suppose qu'ils acquièrent plus de profondeur dans les livres suivants, ce qui est fréquent dans le genre.


En conclusion, une lecture typique du genre, qui permet de s'évader et de faire travailler son imaginaire, mais pas non plus un livre phare, qui marque les esprits et qu'on aime relire des années après pour en pénétrer la sagesse. Il n'en avait pas la prétention, de toute façon. Bref, un bon choix pour les amateurs du genre.

Introduction du lecteur...

Je ne me souviens pas avoir fait autre chose que lire. Depuis tout petit, je dévore, me délecte, plonge dans d'autres univers et n'en ressors jamais le même...
Ma passion est devenue un métier, puis un plaisir d'encourager d'autres à découvrir la voix qu'ils avaient en eux. Je lis les premiers jets d'auteurs parfois timides et je les aide à découvrir les beautés de leur imagination.

Je partage ici mes lectures, bonnes ou mauvaises. Par ce biais, je vous invite à vous poser des questions sur ce que vous lisez. Pas une analyse froide et scolaire, mais une interrogation sur les sentiments qui naissent en vous quand vos yeux parcourent les lignes et quand votre imagination s'en empare, créant les plus fabuleuses scènes dans votre coeur...

Bonne lecture !